Ces maisons abandonnés se trouvaient autour de chez nous en Normandie, mais la falaise qui s’écroulait au-dessus, força les familles à partir. Elles étaient parsemées de souvenirs oubliés. Ces endroits me touchent viscéralement. Peut-être est-ce un lien profond et inconscient avec les douleurs errantes de ma mémoire corporelle, d’un départ forcé : l’ immigration de mes grands-parents de Tunisie au début des années 1950. Ça n’a jamais été un sujet dans notre famille. Un souvenir vague et incomplet ressurgit. Abandonner. Ils se sont installer en France avec un dinar en poche, comme si de rien n’était, comme si c’était une aventure fabuleuse, comme s’il n’y avait jamais eu de violences ou de traumatismes liés à ce changement radical d’environnement. Ils ont tournés le dos à leur Pays natal, plein de nostalgie, sans jamais y retourner, laissant là-bas pour toujours, certainement beaucoup d’amour et plein de choses que je ne peux qu’imaginer, une partie si ce n’est l’entièreté, de leur identité arabe, annihilée par la colonisation. 

2012
Gelatin silver prints 
30x40cm